
Pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle :
un chemin historique
A Saint-Jean-Pied-de-Port, de nombreuses visites sont organisées pour expliquer l'importance du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, dans ce village des Pyrénées Atlantiques.
Religieux certes. Ancestral avant tout. De la découverte du tombeau de Saint-Jacques, à l'inscription des routes de pèlerinage au patrimoine mondial de l'UNESCO, le « chemin à la Coquille » a vécu des siècles d'histoire.
Un mois qu'il est parti de chez lui, et le voilà à Saint-Jean-Pied-de-Port. Jean-Luc est prêtre et a 64 ans. Il chemine sur les sentiers de Compostelle pour la deuxième fois, et arbore autour de son cou une croix en bois : « C'est un moment de prière et de retour sur soi », explique l'homme de foi. Il vient tout juste d'effectuer une journée de marche, mais est encore loin d'avoir terminé son périple. Des Pyrénées-Atlantiques, il doit rallier Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice, dans le Nord de l'Espagne... à plus de 800 kilomètres de là, à raison de quelque 30 kilomètres par jour : « Le plus important, ce n'est pas la destination, mais le voyage », sourit Jean-Luc.

La crypte de Saint-Jacques, dans la cathédrale de Santiago.
Jacques Le Majeur
Et au bout du voyage ? La crypte de Saint-Jacques, dans la cathédrale de Santiago. « Le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle est une voie pénitentielle par excellence, ouverte aux pécheurs qui, par la médiation de Saint-Jacques, recevront le pardon et les moyens d'obtenir leur salut ». Manuel Cecil io Díaz y Díaz, écrivain espagnol, écrit ces mots en 1992. De Saint-Jacques, il y a la figure religieuse, adulée par de nombreux pèlerins, durant des siècles. Saint-Jacques, dit « Jacques Le Majeur ». En dehors du Nouveau Testament aucune preuve de l'historicité de Jacques. La tradition rapporte que celui-ci était un pêcheur, sur le Lac de Tibériade, en Israël.
Selon l'Evangile, Saint-Jacques fut le premier apôtre martyr, décapité par Hérode. « La tradition rapporte qu'après la Crucifixion, Saint-Jacques est parti évangéliser l'Espagne, rapporte l'Association de Coopération Inter Régionale Chemins de Compostelle (ACIR), basée à Toulouse. Il est par la suite rentré à Jérusalem pour revoir, dit-on, une dernière fois la Vierge Marie. Arrêté par le Roi de Judée, il est décapité et devient l'un des premiers martyrs chrétiens. »
Selon les écrits, ses disciples auraient embarqué sa dépouille jusqu'en Galice et en 813, l'Ermite Pelagius et l'évêque Théodomir, guidés par une étoile mystérieuse brillant au-dessus du champ où gît le tombeau, le découvrent. Ce champ prend le nom de "Campus Stallee" (champ de l'étoile) qui deviendra ensuite "Compostelle". L'évêque aurait reconnu la dépouille de Jacques. C'est ainsi que le roi des Asturies, Alphonse II, informé de cette découverte, décide de faire bâtir une église « supra corpus apostoli » (sur le corps de l'apôtre). Il pose ainsi les premières pierres de la grande cathédrale de Saint Jacques de Compostelle que nous connaissons aujourd'hui.
Premier pèlerin
Le corps de Jacques le Majeur, apôtre de Jésus se constitue alors de plus en plus comme une relique sacré. Dans les écrits, Godescalc, évêque du Puy en Velay, réalise ainsi en 950 un grand pèlerinage au tombeau de Saint Jacques : « Il est considéré comme le premier pèlerin documenté, initiant une des plus importantes routes européennes : celle qui va du Puy-en-Velay à Santiago de Compostela », ponctue le prêtre Jean-Luc.
Godescalc serait également le premier pèlerin non hispanique à effectuer le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Il emmène alors avec lui toute une troupe: membres du clergé, troubadours, barons, archers et lanciers. Le moine du couvent espagnol de Saint Martin d'Albeda, Gomesano, authentifie par ses écrits le pèlerinage du premier « Jacquet » du Chemin.

La cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Le moine poitevin Aimery Picaud institue au XIIe siècle dans son Guide du pèlerin, trois églises comme des points de passage et de repères obligatoires : Notre-Dame du Puy, Sainte-Foy de Conques et Saint-Pierre de Moissac. Les ordres religieux, les nobles et les rois financent la construction d'hospices et d'hospitalets : « L'influence des grands ordres monastiques bénédictins bourguignons est prépondérante, atteste le professeur Jean Cheymol, ancien président de la Société Française d'Histoire de la Médecine, dans ses travaux en 1979. Par leur abbayes et leurs prieurés, ils créent de véritables chaînes hospitalières. » Le terme «d'hôpital» désignait alors un lieu où pèlerins recevaient asile et protection, bien plus que des soins. Ces derniers faisaient cas d'une astreinte économique volontaire, se plongeant durant leur pérégrination dans une certaine situation de pauvreté désirée. Ces hôpitaux accueillaient ainsi une large communauté de pauvres gens, essentiellement des voyageurs.
Entre le XIIe et le XVe siècle, les écrits littéraires des exploits héroïques de Charlemagne et les miracles de saint Jacques prodiguent une affluence toujours croissante de pèlerins aux origines sociales diversifiées, et notamment de chevaliers, de nobles ou de riches pèlerins. Les motivations ne sont pas toujours religieuses : certains marchent en quête d'une femme, pour fuir une peine de mort encourue, ou encore pour des causes diplomatiques. Gonzalo Lopez, historien espagnol décrit des pèlerins aux profils variés : « Il n’y a pas que des hommes et des femmes pieux sur les chemins : la foule attire également des faux pèlerins qui vivent de la charité d’hospice en hospice, des voleurs et des opportunistes ; jeu et prostitution sont aussi présents... Avec le temps, certaines peines de prison peuvent être abolies en réalisant le pèlerinage. A l’inverse, si on est riche, on peut aussi payer quelqu’un pour faire le Chemin à sa place. »
Lopez y décrit cependant un « âge d’or » pour les pèlerinages de Compostelle. Le Chemin se voit foulé par des dizaines et parfois des centaines de milliers de croyants. Après la prise de Grenade en 1492, sous le règne de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle la Catholique, le pape Alexandre VI institue le chemin de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle comme l'un des « trois grands pèlerinages de la Chrétienté », avec ceux de Jérusalem et de Rome.
L'âge d'or
Déclin
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L'affluence de pèlerins, dès la fin du XVe siècle se met à décroître. Plusieurs raisons viendraient expliquer ce phénomène : le manque d'infrastructures d'accueil relatives au nombre de pèlerins qui fréquentent les Chemins de Saint Jacques de Compostelle, l'incroyable diversification des motivations des pèlerins parcourant le « Chemin de l’Étoile » caractériserait une période de doutes, de remise en question de la pratique de pèlerinage.
Renouveau
Au milieu du XXe siècle, le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle connaît un nouveau souffle. Une vaste série de textes liturgiques sur Saint-Jacques-de-Compostelle sont étudiés et diffusés en Europe. Parmi ces textes : le Guide du pèlerin, qui énonce quatre voies symboliques pour effectuer le pèlerinage. Plusieurs initiatives sont proposées pour revitaliser ces chemins. Dans les années 1970, la Fédération française de la randonnée pédestre réaménage et balise ces voies. « A Saint-Jacques-de-Compostelle, si l'on compte 619 pèlerins en 1985, ils sont près de 300 000 en 2017 qui entrent à l'accueil des pèlerins de la cathédrale », informe l'ACIR.
Il vous est proposé ci-dessous une frise chronologique interactive sur l'histoire des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Faîtes glisser le curseur vers la droite pour remonter le fil de l'histoire !