top of page
IMG_2108.JPG

Pèlerins en quête de solitude

sur un chemin devenu populaire

A Saint-Jean-Pied-de-Port, en 2017, 57.295 pèlerins ont été enregistrés par l'association des « amis du chemin de Saint Jacques ». Cette ville qui compte près de 1580 résidents permanents, est un véritable carrefour de pèlerins. Beaucoup d'entre eux sont étonnés de voir autant de monde.

Fréquentation et nombre de structures d'accueil en hausse : aujourd'hui, difficile de trouver la solitude sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Depuis les années 1990, ses sentiers de pèlerinage connaissent une hausse continue de fréquentation.

Des cris à Auvillar, la fête dans ce petit village du Tarn-et-Garonne. Soir de football dans le bar du centre-ville, et sur les écrans, la Ligue des Champions de Football est au cœur de toutes les attentions. Une cinquantaine de personnes sont amassées derrière le comptoir, les yeux rivés vers la télévision. L'espace est bercé de musique et d'encouragements.

 

Tableau insolite. A quelques chaises de là, Franck déguste seul une pinte de bière, les yeux perdus dans le vide. L'homme est fatigué. La cinquantaine, la barbe mal taillée, les traits tirées, le corps avachi sous un épais anorak détrempé. Quelques yeux interrogateurs se posent sur lui. Il ne les remarque pas : « Je ne fais pas Compostelle pour aller à la rencontre des autres, mais pour aller à la rencontre de moi-même », murmure le cinquantenaire.

 

 

Voilà quinze jours qu'il a commencé à marcher. Du Puy-en-Velay, en Haute-Loire, il compte rallier Saint-Jacques de Compostelle, un mois et demi plus tard, à l'Ouest de l'Espagne. Longue randonnée, mais Franck est un habitué. C'est la septième fois qu'il se lance sur les sentiers de pèlerinage. Alors le marcheur arbore son crédential : le passeport du pèlerin. A chacune de ses étapes, il fait tamponner ce bout de carton par ses hôtes, pour valider sa marche du jour. Le sien en est rempli. Impossible de le photographier : « C'est personnel et intime », souligne le pèlerin.

Crédential_-_Compostelle.png

Le baroudeur se plait pourtant à raconter ses précédents exploits, ses difficultés à passer la chaîne pyrénéenne, et son manque insatiable de solitude. Voilà bientôt dix ans qu'il a pris pour la première fois les chemins de Compostelle : « Je crois que si le pèlerinage a profondément changé ma personne, lui aussi s'est considérablement transformé », témoigne Franck.

Un crédential, passeport du pèlerin. A chaque étape, le pèlerin le fait tamponner par ses hôtes pour valider sa marche.

Le marcheur redoute les grandes villes que traverse le chemin de pèlerinage, mais surtout une fréquentation toujours plus importante des chemins : « Il y a dix ans, quand j'ai entamé mon premier pèlerinage, je terminais ma marche en arrivant un peu à l'improviste dans un gîte d'étape. Aujourd'hui, il y a tellement de monde que je suis obligé de m'y prendre à l'avance pour réserver une place. »

La grande « démocratisation » du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle

Sources : bureau des pèlerins Santiago de Compostela

De plus en plus de marcheurs sur un chemin où les pèlerins, pour la plupart d'entre eux, sont en quête de solitude, et cherchent à se couper du monde : dans les années 1990, le pèlerinage aborde sans doute l'un des plus grands paradoxes de son histoire. « Les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France font l’objet, depuis les années 1990, d’une fréquentation sans cesse croissante », affirme l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (l'UNESCO).

Les premiers sur le front à observer ces effets sont les propriétaires de gîtes et de chambres d'hôtes. Patrice Dulucq est de ceux-là. Celui-ci tient un logis qu'il loue quotidiennement aux pèlerins, aux abords du chemin de pèlerinage, dans le petit village d'Arzacq-Arraziguet  dans les Pyrénées-Atlantique. « Le nombre de pèlerins est en constante augmentation, souligne l'hôte. Il y a eu une démocratisation du chemin. » 

Deux raisons à cela. La première est institutionnelle : « Considérés comme un atout pour le développement local et le tourisme, les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle sont alors pensés comme une matrice de l'identité culturelle et d'une citoyenneté européenne au moment où l'Europe économique cherche à forger une Europe des citoyens fondée sur un héritage commun », décrit l'Association de Coopération Inter Régionale Chemins de Compostelle (ACIR).

En ce point, les chemins français de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle furent inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO le 2 décembre 1998. Les structures associées à la gestion de ces espaces fêtent cette année le 20e anniversaire de cette inscription. Au préalable, les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle ont été classés comme itinéraire culturel européen en 1987.

Au-delà des institutions européennes, régions, départements et même localités y trouvent leur compte. 

A titre d'exemple : le cas de la région Midi-Pyrénées. « Au plan régional, dès 1990, Midi-Pyrénées avait été précurseur en France sur la thématique jacquaire pour l'inclure dans ses politiques, dans une double intention : ouvrir des opportunités de coopération transfrontalière et interrégionale » et « valoriser une thématique culturelle et touristique fondée sur le renouveau de l'engouement pour la marche à pieds et promoteur d'un tourisme en espace rural », indique l'ACIR. 

IMG_2220.JPG
A propos
  • White Facebook Icon

Etudiant en journalisme à l’Ecole Supérieure de Journalisme Pro de Montpellier, je suis parti à la rencontre d’hébergeurs, d’hôtes, de commerçants, d’acteurs du territoire et bien entendu de pèlerins.

 

bottom of page